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DE L’ESPRIT DES LOIS.


sur les Gaules. J’aurois bien des choses à dire sur cette cession. On peut juger de l’importance que les rois des Francs y mirent, par la manière dont ils en exécutèrent les conditions. D’ailleurs, les rois des Francs étoient maîtres des Gaules ; ils étoient souverains paisibles : Justinien n’y possédoit pas un pouce de terre ; l’empire d’Occident était détruit depuis longtemps, et l’empereur d’Orient n’avoit de droit sur les Gaules que comme représentant l’empereur d’Occident ; c’étoient des droits sur des droits. La monarchie des Francs ëtoit déjà fondée ; le règlement de leur établissement étoit fait ; les droits réciproques des personnes et des diverses nations qui vivoient dans la monarchie, étoient convenus ; les lois de chaque nation étoient données, et même rédigées par écrit. Que faisoit cette cession étrangère à un établissement déjà formé ?

Que veut dire M. l’abbé Dubos avec les déclamations de tous ces évèques, qui, dans le désordre, la confusion, la chute totale de l’État, les ravages de la conquête, cherchent à flatter le vainqueur ? Que suppose la flatterie, que la foiblesse de celui qui est obligé de flatter ? Que prouve la rhétorique et la poésie, que l’emploi même de ces arts ? Qui ne seroit étonné de voir Grégoire de Tours, qui, après avoir parlé des assassinats de Clovis, dit que cependant Dieu prosternoit tous les jours ses ennemis, parce qu’il marchoit dans ses voies ? Qui peut douter que le clergé if ait été bien aise de la conversion de Clovis, et qu’il n’en ait même tiré de grands avantages ? Mais qui peut douter en même temps que les peuples n’aient essuyé tous les malheurs de la conquête, et que le gouvernement romain n’ait cédé au gouvernement germanique ? Les Francs n’ont point voulu, et n’ont pas même pu tout changer ; et même