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LIVRE XXX, CHAP. XX.

On voit, par les formules qui portent la confirmation ou la translation à perpétuité d’un fief en faveur d’un leude ou fidèle [1] , ou des privilèges des fiefs en faveur des églises [2] , que les fiefs avoient ce droit. Cela paroît encore par une infinité de chartres [3] qui contiennent une défense aux juges ou officiers du roi d’entrer dans le territoire, pour y exercer quelque acte de justice que ce fût, et y exiger quelque émolument de justice que ce fut. Dès que les juges royaux ne pouvoient plus rien exiger dans un district, ils n’entroient plus dans ce district ; et ceux à qui restoit ce district y faisoient les fonctions que ceux-là y avoient faites.

Il est défendu aux juges royaux d’obliger les parties de donner des cautions pour comparoltre devant eux : c’étoit donc à celui qui recevoit le territoire à les exiger. Il est dit que les envoyés du roi ne pourroient plus demander de logement ; en effet, ils n’y avoient plus aucune fonction.

La justice fut donc, dans les fiefs anciens et dans les fiefs nouveaux, un droit inhérent au fief même, un droit lucratif qui en faisoit partie. C’est pour cela que, dans tous les temps, elle a été regardée ainsi ; d’où est né ce principe, que les justices sont patrimoniales en France.

Quelques-uns ont cru que les justices tiroient leur origine des affranchissements que les rois et les seigneurs firent de leurs serfs. Mais les nations germaines, et celles qui en sont descendues, ne sont pas les seules qui aient affranchi des esclaves ; et ce sont les seules qui aient établi des justices patrimoniales. D’ailleurs, les formules

  1. Voyez les formules III, IV et XVII, liv. I, de Marculfe. (M.)
  2. Ibid., Form. II, III et IV. (M.) et IV. (M.)
  3. Voyez les recueils de ces Chartres, surtout celui qui est à la fin du cinquième volume des Historiens de France des PP. bénédictins. (M.)