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DE L’ESPRIT DES LOIS.


étoit que le duc avoit sous lui plusieurs comtes, quoiqu’il y eût des comtes qui n*avoient point de duc sur eux, comme nous l’apprenons de Frédégaire [1].

On croira peut-être que le gouvernement des Francs étoit pour lors bien dur, puisque les mêmes officiers avoient en même temps sur les sujets la puissance militaire et la puissance civile, et même la puissance fiscale : chose que j’ai dit, dans les livres précédents, être une des marques distinctives du despotisme.

Mais il ne faut pas penser que les comtes jugeassent seuls, et rendissent la justice comme les bâchas la rendent en Turquie [2] : ils assembloient, pour juger les affaires, des espèces de plaids ou d’assises, où les notables étoient convoqués [3].

Pour qu’on puisse bien entendre ce qui concerne les jugements, dans les formules, les lois des Barbares et les capitulaires, je dirai que les fonctions de comte, du gravion et du centenier étoient les mêmes [4] ; que les juges, les rathimburges et les échevins étoient, sous différents noms, les mêmes personnes. C’étoient les adjoints du comte et ordinairement il en avoit sept : et, comme il ne lui falloit pas moins de douze personnes pour juger [5] , il remplissoit le nombre par des notables [6].

Mais, qui que ce fut qui eût la juridiction, le roi, le

  1. Chronique, ch. LXXVIIIl, sur l'an 636. (M.)
  2. Voyez Grégoire de Tours, liv. V, ad annum 580. (M.)
  3. Mallum. (M.)
  4. Joignez ici ce que j'ai dit au livre XXVIII, ch. XXVIII ; et au liv. XXXI, ch. VIII. (M.)
  5. Voyez sur tout ceci les capitulaires de Louis le Débonnaire, ajoutés à la loi salique, art. 2 ; et la formule des jugements, donnée par du Gange, au mot boni homines. (M.)
  6. Per bonus homines. Quelquefois il n'y avoit que des notables. Voyez l'Appendice aux formules de Marculfe, ch. LI. (M.)