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LIVRE XXX, CHAP. XI.


soient leurs invasions, ils prenoient l'or, l’argent, les meubles, les vêtements, les hommes, les femmes, les garçons, dont l’armée pouvoit se charger ; le tout se rapportoit en commun, et l'armée le partageoit [1]. Le corps entier de l'histoire prouve qu’après le premier établissement, c’est-à-dire après les premiers ravages, ils reçurent à composition les habitants, et leur laissèrent tous leurs droits politiques et civils. C’étoit le droit des gens de ces temps-là ; on enlevolt tout dans la guerre, on accordoit tout dans la paix. Si cela n’avoit pas été ainsi, comment trouverions-nous dans les lois saliques et bourguignonnes tant de dispositions contradictoires à la servitude générale des hommes ?

Mais ce que la conquête ne fit pas, le même droit des gens [2], qui subsista après la conquête, le fit. La résistance, la révolte, la prise des villes, emportoient avec elles la servitude des habitants. Et comme, outre les guerres que les différentes nations conquérantes firent entre elles, il y eut cela de particulier chez les Francs, que les divers partages de la monarchie firent naître sans cesse des guerres civiles entre les frères ou neveux, dans lesquelles ce droit des gens fut toujours pratiqué, les servitudes devinrent plus générales en France que dans les autres pays : et c’est, je crois, une des causes de la différence qui est entre nos lois françoises et celles d’Italie et d’Espagne, sur les droits des seigneurs.

La conquête ne fut que l’affaire d’un moment ; et le droit des gens que l’on y employa, produisit quelques servitudes. L’usage du même droit des gens, pendant plu-

  1. Voyez Grégoire de Tours, liv. II, ch. XXVII ; Aimoin, liv.I, ch. XII. (M.)
  2. Voyez les Vies des saints citées ci-dessous. (M.)