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DE L’ESPRIT DES LOIS.


où une des parties auroit parlé de paix, ils avoient grande attention à l’état où elles se trouvoient toutes les deux dans ce moment, pour qu’elles fussent remises [1] dans la même situation, si la paix ne se faisoit pas.

Quand les gages étoient reçus pour crime ou pour faux jugement, la paix ne pouvoit se faire sans le consentement du seigneur ; et, quand une des parties avoit été vaincue, il ne pouvoit plus y avoir de paix que de l’aveu du comte [2] ; ce qui avoit du rapport à nos lettres de grâce.

Mais si le crime étoit capital, et que le seigneur, corrompu par des présents, consentit à la paix, il payoit une amende de soixante livres, et le droit [3] qu’il avoit de faire punir le malfaiteur, étoit dévolu au comte.

Il y avoit bien des gens qui n’étoient en état d’offrir le combat, ni de le recevoir. On permettoit, en connaissance de cause, de prendre un champion ; et pour qu’il eût le plus grand intérêt à défendre sa partie, il avoit le poing coupé s’il étoit vaincu [4].

Quand on a fait dans le siècle passé des lois capitales contre les duels, peut-être auroit-il suffi d’ôter à un guerrier sa qualité de guerrier par la perte de la main, n’y ayant rien ordinairement de plus triste pour les hommes que de survivre à la perte de leur caractère.

Lorsque, dans un crime capital, [5] le combat se faisoit par champions, on mettoit les parties dans un lieu d’où

  1. Beaum., ch. LXIV, p. 330. (M.)
  2. Les grands vassaux avoient des droits particuliers. (M.)
  3. Beaumanoir, ch. LXIV, p. 330, dit : il perdroit sa justice. Ces paroles, dans les auteurs de ces temps-là, n'ont pas une signification générale, mais restreinte à l’affaire dont il s'agit. Défont., ch. XXI, art 29. (M.)
  4. Cet usage, que l'on trouve dans les capitulaires, subsistoit du temps de Beaumanoir. Voyez le ch. LXI, p. 315. (M.)
  5. Beaum., ch. LXIV, p. 330. (M.)