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CHAPITRE VIII.


CONTINUATION DU MÊME SUJET.


Les noirs de la côte d’Afrique ont un signe des valeurs, sans monnoie : c’est un signe purement idéal, fondé sur le degré d’estime qu’ils mettent dans leur esprit à chaque marchandise, à proportion du besoin qu’ils en ont. Une certaine denrée ou marchandise vaut trois macutes ; une autre, six macutes ; une autre, dix macutes ; c’est comme s’ils disoient simplement trois, six, dix. Le prix se forme par la comparaison qu’ils font de toutes les marchandises entre elles ; pour lors, il n’y a point de monnoie particulière, mais chaque portion de marchandise est monnoie de l’autre.

Transportons pour un moment parmi nous cette manière d’évaluer les choses, et joignons-la avec la nôtre : toutes les marchandises et denrées du monde, ou bien toutes les marchandises ou denrées d’un État en particulier, considéré comme séparé de tous les autres, vaudront un certain nombre de macutes ; et, divisant l’argent de cet État en autant de parties qu’il y a de macutes, une partie divisée de cet argent sera le signe d’une macute.

Si l'on suppose que la quantité de l’argent d’un État double, il faudra pour une macute le double de l'argent ; mais si, en doublant l’argent, vous doublez aussi les ma-