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CHAPITRE XIII.


DES ÉCRITS.


Les écrits contiennent quelque chose de plus permanent que les paroles [1] ; mais, lorsqu’ils ne préparent pas au crime de lèse-majesté, ils ne sont point une matière du crime de lèse-majesté.

Auguste et Tibère y attachèrent pourtant la peine de ce crime [2] ; Auguste, à l’occasion de certains écrits faits contre des hommes et des femmes illustres ; Tibère, à cause de ceux qu’il crut faits contre lui. Rien ne fut plus fatal à la liberté romaine. Crémutius Cordus fut accusé, parce que, dans ses annales, il avoit appelé Cassius le dernier des Romains [3].

Les écrits satiriques ne sont guère connus dans les États despotiques, où l’abattement d’un côté et l’ignorance de l’autre ne donnent ni le talent ni la volonté d’en faire. Dans la démocratie on ne les empêche pas, par la raison même qui dans le gouvernement d’un seul les fait défendre. Comme ils sont ordinairement composés contre des gens puissants, ils flattent dans la démocratie la mali-

  1. Scribere est agere, dit un adage cité par Blackstone, IV, 6.
  2. Tacite, Annales, liv. I, C. LXXII. Cela continua sous les règnes suivants. Voyez la loi première au code de famosis libellis. (M.)
  3. Tacite, Annales, liv. IV, C. XXXIV. (M.)