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CHAPITRE VI.


DU CRIME CONTRE NATURE.


A Dieu ne plaise que je veuille diminuer l'horreur que l'on a pour un crime que la religion, la morale et la politique condamnent tour à tour. Il faudroit le proscrire quand il ne feroit que donner à un sexe les foiblesses de l’autre, et préparer à une vieillesse infâme par une jeunesse honteuse. Ce que j’en dirai lui laissera toutes ses flétrissures, et ne portera que contre la tyrannie qui peut abuser de l’horreur même que l’on en doit avoir.

Comme la nature de ce crime est d’être caché, il est souvent arrivé que des législateurs l’ont puni sur la déposition d’un enfant. C’étoit ouvrir une porte bien large à la calomnie. « Justinien, dit Procope [1], publia une loi contre ce crime ; il fit rechercher ceux qui en étoient coupables, non-seulement depuis la loi, mais avant. La déposition d’un témoin, quelquefois d’un enfant, quelquefois d’un esclave, suffisoit, surtout contre les riches et contre ceux qui étoient de la faction des verds [2]. »

Il est singulier que, parmi nous, trois crimes : la magie, l’hérésie et le crime contre nature, dont on pourrait prouver, du premier, qu’il n’existe pas ; du second, qu’il est

  1. Histoire secrète. (M.)
  2. Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains, ch. XX