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LIVRE XI, CHAP. XVII.

On trouve une peinture bien naïve de ceci dans quelques fragments de Diodore de Sicile et de Dion, « Mutius Scévola, dit Diodore [1], voulut rappeler les anciennes mœurs et vivre de son bien propre avec frugalité et intégrité [2]. Car ses prédécesseurs ayant fait une société avec les traitants, qui avoient pour lors les jugements à Rome, ils avoient rempli la province de toutes sortes de crimes. Mais Scévola fit justice des publicains, et fit mener en prison ceux qui y traînoient les autres. »

Dion nous dit [3] que Publius Rutilius, son lieutenant, qui n’étoit pas moins odieux aux chevaliers, fut accusé, à son retour, d’avoir reçu des présents, et fut condamné à une amende. Il fit sur-le-champ cession de biens. Son innocence parut, en ce qu’on lui trouva beaucoup moins de bien qu’on ne l’accusoit d’en avoir volé, et il montroit les titres de sa propriété. Il ne voulut plus rester dans la viile avec de telles gens.

« Les Italiens, dit encore Diodore [4], achetoient en Sicile des troupes d’esclaves pour labourer leurs champs et avoir soin de leurs troupeaux : ils leur refusoient la nourriture. Ces malheureux étoient obligés d’aller voler sur les grands chemins, armés de lances et de massues, couverts de peaux de bêtes, de grands chiens autour d’eux. Toute la province fut dévastée, et les gens du pays ne pouvoient dire avoir en propre que ce qui étoit dans l’enceinte des villes. Il n’y avoit ni proconsul, ni préteur, qui pût ou

  1. Fragment de cet auteur, liv. XXXVI, dans le recueil de Constantin Porphyrogénète, Des vertus et des vices. (M.)
  2. C’est dans son proconsulat d’Asie que Mutius Scévola prit sur son bien propre toute la dépense de sa personne et de sa maison.
  3. Fragment de son histoire, tiré de l'Extrait des vertus et des vices. (M.)
  4. Fragment du livre XXXIV, dans l'Extrait des vertus et des vices. (M.)