Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/67

Cette page n’a pas encore été corrigée
51
LIVRE XI, CHAP. XVII.


qui étoient pour la vie [1]. Mais à Rome les préteurs étoient annuels ; et les juges n’étoient pas même pour un an, puisqu’on les prenoit pour chaque affaire. On a vu, dans le chapitre VI de ce livre, combien, dans de certains gouvernements, celte disposition étoit favorable à la liberté.

Les juges furent pris dans l'ordre des sénateurs, jusqu’au temps des Gracques. Tiberius Gracchus [2] fit ordonner qu’on les prendroit dans celui des chevaliers : changement si considérable, que le tribun se vanta d’avoir, par une seule rogation, coupé les nerfs de l’ordre des sénateurs.

Il faut remarquer que les trois pouvoirs peuvent être bien distribués par rapport à la liberté de la constitution, quoiqu’ils ne le soient pas si bien dans le rapport avec la liberté du citoyen. A Rome, le peuple ayant la plus grande partie de la puissance législative, une partie de la puissance exécutrice, et une partie de la puissance de juger, c’étoit un grand pouvoir qu’il falloit balancer par un autre. Le sénat avoit bien une partie de la puissance exécutrice ; il avoit quelque branche de la puissance législative [3] ; mais cela ne suffisoit pas pour contre-balancer le peuple. II falloit qu’il eût part à la puissance de juger ; et il y avoit part lorsque les juges étoient choisis parmi les sénateurs. Quand les Gracques privèrent les sénateurs de la puissance de juger [4], le sénat ne put plus résister au peuple. Ils choquèrent donc la liberté de la constitution, pour

  1. Cela se prouve par Tite-Live, liv. XXXIII, C. XLVI, qui dit qu’Annibal rendit leur magistrature annuelle. (M.)
  2. C'est Galus Gracchus qui fit passer cette rogation.
  3. Les sénatus-consultes avoient force pendant un an, quoiqu’ils ne fassent pas confirmés par le peuple. Denys d’Halicarnasse, liv. IX, p. 595 ; et liv. XI, p. 735. (M.) — C'est une erreur. V. Sup., liv. II, ch. II, note finale.
  4. En l'an 630. (M.)