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LIVRE XI, CHAP. XVII.


qu’on ne pourroit décider de la vie d’un citoyen que dans les grands États du peuple [1]. Ainsi, le corps des plébéiens, ou, ce qui est la même chose, les comices par tribus, ne jugèrent plus que les crimes dont la peine n’étoit qu’une amende pécuniaire. Il falloit une loi pour infliger une peine capitale : pour condamner à une peine pécuniaire, il ne falloit qu’un plébiscite.

Cette disposition de la loi des Douze Tables fut tressage. Elle forma une conciliation admirable entre le corps des plébéiens et le sénat. Car, comme la compétence des uns et des autres dépendit de la grandeur de la peine et de la nature du crime, il fallut qu’ils se concertassent ensemble.

La loi Valérienne ôta tout ce qui restoit à Rome du gouvernement qui avoit du rapport à celui des rois grecs des temps héroïques. Les consuls se trouvèrent sans pouvoir pour la punition des crimes. Quoique tous les crimes soient publics, il faut pourtant distinguer ceux qui intéressent plus les citoyens entre eux, de ceux qui intéressent plus l'État dans le rapport qu’il a avec un citoyen. Les premiers sont appelés privés, les seconds sont les crimes publics [2]. Le peuple jugea lui-même les crimes publics ; et, à l’égard des privés, il nomma pour chaque crime, par une commission particulière, un questeur pour en faire la poursuite. C’étoit souvent un des magistrats, quelquefois un homme privé, que le peuple choisissoit. On l’appeloit questeur du parricide. Il en est fait mention dans la loi des Douze Tables [3].

  1. Les comices par centuries. Aussi Manlius Capttolinus fut-il jugé dans ces comices. Tite-Live, décade I, liv. VI, C. XX. (M.)
  2. Sup., III, V.
  3. Dit Pomponius, dans la loi 2, au Digeste de orig. jur. (M.)