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LIVRE XI, CHAP. XVII.

Chaque année, le préteur formoit une liste [1] ou tableau de ceux qu’il choisissoit pour faire la fonction de juges pendant l'année de sa magistrature. On en prenoit le nombre suffisant pour chaque affaire. Cela se pratique à peu près de même en Angleterre. Et, ce qui étoit très-favorable à la liberté [2], c’est que le préteur prenoit les juges, du consentement [3] des parties. Le grand nombre de récusations que l’on peut faire aujourd’hui en Angleterre, revient à peu près à cet usage [4].

Ces juges ne décidoient que des questions de fait [5] : par exemple, si une somme avoit été payée ou non ; si une action avoit été commise ou non. Mais pour les questions de droit [6], comme elles demandoient une certaine capacité, elles étoient portées au tribunal des centumvirs [7].

Les rois se réservèrent le jugement des affaires criminelles, et les consuls leur succédèrent en cela. Ce fut en conséquence de cette autorité que le consul Brutus fit mourir ses enfants et tous ceux qui avoient conjuré pour les Tarquins. Ce pouvoir étoit exorbitant. Les consuls ayant déjà la puissance militaire, ils en portoient l’exercice même dans les affaires de la ville ; et leurs pro-

  1. Album judicum. (M.)
  2. « Nos ancêtres n'ont pas voulu, dit Cicéron, pro Cluentio, C. XLIII, qu'un homme, dont les parties ne seroient pas convenues, pût être juge non-seulement de la réputation d'un citoyen, mats môme de la moindre affaire pécuniaire. » (M.)
  3. Voyez dans les Fragments de la loi Servilienne, de la Cornélienne et autres, de quelle manière ces lois donnoient des juges dans les crimes qu'elles se proposoient de punir. Souvent ils étoient pris par le choix, quelquefois par le sort, ou enfin par le sort mêlé avec le choix. (M.)
  4. Sup. XI, VI.
  5. Sénèque, de benef., liv. III, chap. VII, in fine. (M.) Sup. VI, III.
  6. Voyez Quintilien, liv. IV, p. 51, in-fol., édit. de Paris, 1541. (M.)
  7. L. 2, § 21, ff. de orig. jur. Des magistrats, appelés décemvirs, présidoient au jugement, le tout sous la direction d’un préteur. (M.)