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DE L'ESPRIT DES LOIS.


soient tous que Rome étoit une aristocratie [1]. Le sénat disposoit des deniers publics et donnoit les revenus à ferme ; il étoit l’arbitre des affaires des alliés ; il décidoit de la guerre et de la paix, et dirigeoit, à cet égard, les consuls ; il fixoit le nombre des troupes romaines et des troupes alliées, distribuoit les provinces et les armées aux consuls ou aux préteurs ; et, l'an du commandement expiré, il pouvoit leur donner un successeur : il décernoit les triomphes ; il recevoit des ambassades et en envoyoit ; il nommoit les rois, les récompensoit, les punissoit, les jugeoit, leur donnoit ou leur faisoit perdre le titre d’alliés du peuple romain.

Les consuls faisoient la levée des troupes qu’ils dévoient mener à la guerre : ils commandoient les armées de terre ou de mer, disposoient des alliés : ils avoient dans les provinces toute la puissance de la république : ils donnoient la paix aux peuples vaincus, leur en imposoient les conditions, ou les renvoyoient au sénat.

Dans les premiers temps, lorsque le peuple prenoit quelque part aux affaires de la guerre et de la paix, il exerçoit plutôt sa puissance législative que sa puissance exécutrice. Il ne faisoit guère que confirmer ce que les rois, et, après eux, les consuls ou le sénat avoient fait. Bien loin que le peuple fût l’arbitre de la guerre, nous voyons que les consuls ou le sénat la faisoient souvent malgré l’opposition de ses tribuns. Mais, dans l’ivresse des prospérités, il augmenta sa puissance exécutrice. Ainsi il [2] créa lui-même les tribuns des légions, que les généraux avoient

  1. On en pourroit dire tout autant de la Hollande. (LUZAC.)
  2. L'an de Rome 444, Tite-Live, première décade, liv. IX, C. XXX. La guerre contre Persée paroissant périlleuse, un sénatus-consulte ordonna que cette loi seroit suspendue, et le peuple y consentit. Tite-Live, cinquième décade, liv. II. [Liv. XLII, C. XXXI.] (M.)