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DE L'ESPRIT DES LOIS.

Dans la division par curies [1], les patriciens n'avoient pas les mêmes avantages. Ils en avoient pourtant. Il falloit consulter les auspices, dont les patriciens étoient les maîtres ; on n’y pouvoit faire de proposition au peuple, qui n’eût été auparavant portée au sénat, et approuvée par un sénatus-consulte. Mais, dans la division par tribus, il n’étoit question ni d’auspices, ni de sénatus-consulte, et les patriciens n’y étoient pas admis.

Or le peuple chercha toujours à faire par curies les assemblées qu’on avoit coutume de faire par centuries, et à faire par tribus les assemblées qui se faisoient par curies ; ce qui fit passer les affaires des mains des patriciens dans celles des plébéiens.

Ainsi, quand les plébéiens eurent obtenu le droit de juger les patriciens, ce qui commença lors de l’affaire de Coriolan [2], les plébéiens voulurent les juger assemblés par tribus [3], et non par centuries ; et lorsqu’on établit en faveur du peuple les nouvelles magistratures [4] de tribuns et d’édiles, le peuple obtint qu’il s’assembleroit par curies pour les nommer ; et quand sa puissance fut affermie, il obtint [5] qu’ils seroient nommés dans une assemblée par tribus.

  1. Denys d’Halicarnasse, liv. IX, p. 598. (M.)
  2. Id. liv. VII. (M.)
  3. Contre l’ancien usage, comme on le voit dans Denys d'Halicarnasse, liv. V, p. 320. (M.)
  4. Ibid., liv. VI, p. 410 et 411. (M.)
  5. Ibid., liv. IX, p. 605.
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