Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/486

Cette page n’a pas encore été corrigée
470
DE L’ESPRIT DES LOIS.


même quantité d’or, portèrent une chose qui réellement valoit la moitié moins, et coûtoit la moitié plus.

Si l'on suit la chose de doublement en doublement, on trouvera la progression de la cause de l’impuissance des richesses de l’Espagne.

Il y a environ deux cents ans que l’on travaille les mines des Indes. Je suppose que la quantité d’argent, qui est à présent dans le monde qui commerce, soit à celle qui étoit avant la découverte comme 32 est à 1, c’est-à-dire qu’elle ait doublé cinq fois : dans deux cents ans encore la même quantité sera à celle qui étoit avant la découverte comme 64 est à 1, c’est-à-dire qu’elle doublera encore. Or, à présent, cinquante [1] quintaux de minerai pour l’or, donnent quatre, cinq et six onces d’or ; et quand il n’y en a que deux, le mineur ne retire que ses frais. Dans deux cents ans, lorsqu’il n’y en aura que quatre, le mineur ne tirera aussi que ses frais. Il y aura donc peu de profit à tirer sur l’or. Même raisonnement sur l’argent, excepté que le travail des mines d’argent est un peu plus avantageux que celui des mines d’or.

Que si l’on découvre des mines si abondantes qu’elles donnent plus de profit, plus elles seront abondantes, plustôt le profit finira.

Les Portugais [2] ont trouvé tant d’or [3] dans le Brésil,

  1. Voyez les voyages de Frézier. (M.)
  2. A. B. Les Portugais ont trouvé dans le Brésil dos mines d'or si riches, qu’il faudra, etc.
  3. Suivant miiord Anson, l’Europe reçoit du Brésil tous les ans pour deux millions sterling en or, que l'on trouve dans le sable au pied des montagnes, ou dans le lit des rivières. Lorsque je fis le petit ouvrage dont j'ai parlé dans la première note de ce chapitre, il s'en falloit bien que les retours du Brésil fussent un objet aussi important qu'il l'est aujourd’hui. (M.) Note ajoutée dans l’édition de 1758.