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LIVRE XXI, CHAP. XXII.


n’étoient pourtant pas proportionnées à celles de leurs mines. Les Indiens en cachèrent une partie ; et de plus, ces peuples, qui ne faisoient servir l'or et l’argent qu’à la magnificence des temples des dieux et des palais des rois, ne les cherchoient pas avec la même avarice que nous ; enfin ils n’avoient pas le secret de tirer les métaux de toutes les mines, mais seulement de celles dans lesquelles la séparation se fait par le feu, ne connoissant pas la manière d’employer le mercure, ni peut-être le mercure même.

Cependant l’argent [1] ne laissa pas de doubler bientôt en Europe ; ce qui parut en ce que le prix de tout ce qui s’acheta fut environ du double.

Les Espagnols fouillèrent les mines, creusèrent les montagnes, inventèrent des machines pour tirer les eaux, briser le minerai et le séparer ; et, comme ils se jouoient de la vie des Indiens, ils les firent travailler sans ménagement. L’argent doubla bientôt en Europe, et le profit diminua toujours de moitié pour l’Espagne, qui n'avoit, chaque année, que la même quantité d’un métal qui étoit devenu la moitié moins précieux.

Dans le double du temps, l’argent doubla encore, et le profit diminua encore de la moitié.

Il diminua même de plus de la moitié : voici comment.

Pour tirer l’or des mines, pour lui donner les préparations requises, et le transporter en Europe, il falloit une dépense quelconque. Je suppose qu’elle fût comme 1 est à 64 : quand l’argent fut doublé une fois, et par conséquent la moitié moins précieux, la dépense fut comme 2 sont à 64. Ainsi les flottes qui portèrent en Espagne la

  1. C'est-à-dire la masse d'argent.