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LIVRE XXI, CHAP. XXI.


vertes comme des objets de conquête : des peuples plus raffinés qu eux trouvèrent qu’elles étoient des objets de commerce, et c’est là-dessus qu’ils dirigèrent leurs vues. Plusieurs peuples se sont conduits avec tant de sagesse, qu’ils ont donné l’empire à des compagnies de négociants, qui, gouvernant ces États éloignés uniquement pour le négoce, ont fait une grande puissance accessoire, sans embarrasser l’État principal [1].

Les colonies qu’on y a formées, sont sous un genre de dépendance dont on ne trouve que peu d’exemples [2] dans les colonies anciennes, soit que celles d’aujourd’hui relèvent de l’État même, ou de quelque compagnie commerçante établie dans cet État.

L’objet de ces colonies est de faire le commerce à de meilleures conditions qu’on ne le fait avec les peuples voisins, avec lesquels tous les avantages sont réciproques. On a établi que la métropole seule pourroit négocier dans la colonie ; et cela avec grande raison, parce que le but de l’établissement a été l’extension du commerce, non la fondation d’une ville ou d’un nouvel empire.

Ainsi, c’est encore une loi fondamentale de l’Europe, que tout commerce avec une colonie étrangère est regardé comme un pur monopole [3] punissable par les lois du pays : et il ne faut pas juger de cela par les lois et les exemples des anciens [4] peuples, qui n’y sont guère applicables.

Il est encore reçu que le commerce établi entre les

  1. Il s'agit des compagnies des Indes qui furent établies ea Angleterre, en Hollande et en France.
  2. A. B. Dont on ne trouve guère d’exemples.
  3. Monopole signifiait dans notre ancien droit toute association illicite.
  4. Excepté les Carthaginois, comme on voit par le traité qui termina la première guerre punique. (M.)