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CHAPITRE XX.


COMMENT LE COMMERCE SE FIT JOUR EN EUROPE
A TRAVERS LA BARRARIE.


La philosophie d’Aristote ayant été portée en Occident, elle plut beaucoup aux esprits subtils, qui, dans les temps d’ignorance, sont les beaux esprits. Des scolastiques s’en infatuèrent, et prirent de ce philosophe [1] bien des explications [2] sur le prêt à intérêt, au lieu que la source en étoit si naturelle dans l’Évangile [3] ; ils le condamnèrent indistinctement et dans tous les cas. Par là, le commerce, qui n’étoit que la profession des gens vils, devint encore celle des malhonnêtes gens : car toutes les fois que l’on défend une chose naturellement permise ou nécessaire, on ne fait que rendre malhonnêtes gens ceux qui la font.

Le commerce passa à une nation pour lors couverte d’infamie [4], et bientôt il ne fut plus distingué des usures les plus affreuses, des monopoles, de la levée des subsides et de tous les moyens malhonnêtes d’acquérir de l’argent.

Les Juifs [5], enrichis par leurs exactions, étoient pillés

  1. Voyez Aristote, Polit., liv. I, c. IX et X. (M.)
  2. A B. Les scolastiques s'en infatuèrent et prirent de ce philosophe leur doctrine sur le prêt à intérêt ; ils le confondirent avec l'usure et le condamnèrent. Par là le commerce, etc.
  3. Inf. XX, XIX.
  4. C’est-à-dire odieusement persécutée. Il s’agit des Juifs.
  5. Voyez, dans Marca Hispanica, les constitutions d'Aragon des