Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/453

Cette page n’a pas encore été corrigée
437
LIVRE XXI, CHAP. XI.


Il ne faut point faire de fonds sur ces récits populaires : voici des faits précis.

On voit, dans un fragment de Polybe cité par Strabon [1], que les mines d’argent qui étoient à la source du Bétis, où quarante mille hommes étoient employés, donnoient au peuple romain vingt-cinq mille dragmes par jour : cela peut faire environ cinq millions de livres par an, à cinquante francs le marc. On appelloit les montagnes où étoient ces mines, les montagnes d’argent [2] ; ce qui fait voir que c'étoit le Potosi de ces temps-là. Aujourd’hui les mines d’Hanover n’ont pas le quart des ouvriers qu’on employoit dans celles d’Espagne, et elles donnent plus : mais les Romains n’ayant guère que des mines de cuivre, et neu de mines d’argent, et les Grecs ne connoissant que les mines d’Attique, très-peu riches, ils durent être étonnés de l’abondance de celles-là.

Dans la guerre pour la succession d’Espagne, un homme appelé le marquis de Rhodes, de qui on disoit qu’il s’étoit ruiné dans les mines d’or, et enrichi dans les hôpitaux [3], proposa à la cour de France d’ouvrir les mines des Pyrénées. Il cita les Tyriens, les Carthaginois et les Romains. On lui permit de chercher ; il chercha, il fouilla partout ; il citoit toujours, et ne trouvoit rien.

Les Carthaginois, maîtres du commerce de l’or et de l’argent, voulurent l’être encore de celui du plomb et de l’étain. Ces métaux étoient voitures par terre, depuis les ports de la Gaule sur l'Océan jusqu’à ceux de la Méditerranée. Les Carthaginois voulurent les recevoir de la première main ; ils envoyèrent Himilcon, pour

  1. Liv. III. (M.)
  2. Mons argentarius. (M.)
  3. Il en avoit eu quelque part la direction. (M.)