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LIVRE XXI, CHAP. XI.


dans le continent un vaste silence ; que la nuit on entendoit les sons de divers instruments de musique ; et qu’on voyoit partout des feux, les uns plus grands, les autres moindres. Nos relations confirment ceci : on y trouve que le jour ces sauvages, pour éviter l’ardeur du soleil, se retirent dans les forêts ; que la nuit ils font de grands feux pour écarter les bêtes féroces ; et qu’ils aiment passionnément la danse et les instruments de musique.

Hannon nous décrit un volcan avec tous les phénomènes que fait voir aujourd’hui le Vésuve ; et le récit qu’il fait de ces deux femmes velues qui se laissèrent plutôt tuer que de suivre les Carthaginois, et dont il fit porter les peaux à Carthage, n’est pas, comme on l’a dit, hors de vraisemblance[1].

Cette relation est d’autant plus précieuse, qu’elle est un monument punique ; et c’est parce qu’elle est un monument punique, qu’elle a été regardée comme fabuleuse. Car les Romains conservèrent leur haine contre les Carthaginois, même après les avoir détruits. Mais ce ne fut que la victoire qui décida s’il falloit dire la foi punique ou la foi romaine.

Des modernes [2] ont suivi ce préjugé. Que sont devenues, disent-ils, les villes qu’Hannon nous décrit, et dont, même du temps de Pline, il ne restoit pas le moindre vestige ? Le merveilleux seroit qu’il en fût resté. Étoit-ce Corinthe ou Athènes qu’Hannon alloit bâtir sur ces côtes ? Il laissoit, dans les endroits propres au commerce, des familles

  1. Noctibus micare crebis ignibus, tibiarum cantu tympanorumque sonitu strepere, neminem interdiu cemi. (M.)

    1. Suivant toute apparence c’étaient deux gorilles.

  2. M. Dodwel. Voyez sa dissertation sur le Périple d'Hannon. (M.) — L'opinion de Dodwel n'est pas isolée ; l'authenticité du Périple est loin d'ètre prouvée.