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DE L’ESPRIT DES LOIS.


navigué dans le vaste Océan [1] pour aller vers l'île de Sainte-Hélène ou vers la côte du Brésil. Il étoit donc très-possible qu’on fût allé de la mer Rouge dans la Méditerranée, sans qu’on fût revenu de la Méditerranée à la mer Rouge.

Ainsi, sans faire ce grand circuit, après lequel on ne pouvoit plus revenir, il étoit plus naturel de faire le commerce de l’Afrique orientale par la mer Rouge, et celui de la côte occidentale par les colonnes d’Hercule.

Les rois grecs d’Egypte découvrirent d’abord dans la mer Rouge la partie de la côte d’Afrique qui va depuis le fond du golfe où est la cité d’Heroum jusqu’à Dira, c’est-à-dire jusqu’au détroit appelle aujourd’hui de Babel-Mandel. De là jusqu’au promontoire des Aromates, situé à l’entrée de la mer Rouge [2], la côte n’avoit point été reconnue par les navigateurs ; et cela est clair par ce que nous dit Artémidore [3], que l’on connoissoit les lieux de cette côte, mais qu’on en ignoroit les distances ; ce qui venoit de ce qu’on avoit successivement connu ces ports par les terres, et sans aller de l’un à l’autre.

Au delà de ce promontoire, où commence la côte de l’Océan, on ne connoissoit rien, comme nous [4] l’apprenons d’Ératosthène et d’Artémidore.

Telles étoient les connoissances que l’on avoit des

  1. On trouve dans l'océan Atlantique, aux mois d’octobre, novembre, décembre et janvier un vent de nord-est. On passe la ligne ; et, pour éluder le vent général d'est, on dirige sa route vers le sud ; ou bien on entre dans la zone torride, dans les lieux où le vent souffle de l'ouest à l'est. (M.)
  2. Ce golfe, auquel nous donnons aujourd’hui ce nom, étoit appelé, par les anciens, le sein Arabique : ils appeloient mer Rouge la partie de l'Océan voisine de ce golfe. (M.)
  3. Strabon, liv. XVI. (M.)
  4. Ibid. Artémidore bornolt la côte connue au lieu appelé Austicornu ; et Ératosthène, ad Cinnamomiferam. (M.)