Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/432

Cette page n’a pas encore été corrigée
416
DE L’ESPRIT DES LOIS.

L’Ariane [1], qui s’étendoit depuis le golfe Persique jusqu’à rindus, et de la mer du midi jusqu’aux montagnes des Paropamisades, dependoit bien en quelque façon de l’empire des Perses ; mais, dans sa partie méridionale, elle étoit aride, brûlée, inculte et barbare. La tradition [2] portoit que les armées de Sémiramis et de Cyrus avoient péri dans ces déserts ; et Alexandre, qui se fit suivre par sa flotte, ne laissa pas d’y perdre une grande partie de son armée. Les Perses laissoient toute la côte au pouvoir des Icthyophages [3], des Orittes et autres peuples barbares. D’ailleurs les Perses [4] n’étoient pas navigateurs, et leur religion même leur ôtoit toute idée de commerce maritime. La navigation que Darius fit faire sur l’Indus et la mer des Indes fut plutôt une fantaisie d’un prince qui veut montrer sa puissance, que le projet réglé d’un monarque qui veut l’employer. Elle n’eut de suite, ni pour le commerce, ni pour la marine ; et si l’on sortit de l’ignorance, ce fut pour y retomber [5].

Il y a plus : il étoit reçu [6], avant l’expédition d’Alexandre, que la partie méridionale des Indes étoit inhabitable [7] : ce qui suivoit de la tradition que Sémiramis [8] n’en avoit ramené que vingt hommes, et Cyrus que sept.

  1. Strabon, liv. XV. (M.)
  2. Ibid. (M.)
  3. Pline, liv. VI, C. XXIII ; Strabon, liv. XV. (M.)
  4. Pour ne point souiller les éléments, ils ne naviguoient pas sur les fleuves. M. Hyde, Religion des Perses. Encore aujourd’hui il n'est point de commerce maritime, et ils traitent d’athées ceux qui vont sur mer. (M.)
  5. A. B. Et on ne sortit de l'ignorance que pour y retomber.
  6. Strabon, liv. XV. (M.)
  7. Hérodote, in Melpomene, ch. XLIV, dit que Darius conquit les Indes. Cela ne peut être entendu que de l'Ariane : encore ne fut-ce qu’une conquête en idée. (M.)
  8. Strabon, liv. XV. (M.)