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LIVRE XXI, CHAP. VI.


communiquent, dans un temps où l’on corrige par l’art, et les défauts de la nature, et les défauts de l’art même, on sent ces différences, que devoit-ce être dans la marine des anciens ?

Je ne saurois quitter ce sujet. Les navires des Indes étoient petits, et ceux des Grecs et des Romains, si l'on en excepte ces machines que l’ostentation fit faire, étoient moins grands que les nôtres. Or, plus un navire est petit, plus il est en danger dans les gros temps. Telle tempête submerge un navire, qui ne feroit que le tourmenter s’il étoit plus grand. Plus un corps en surpasse un autre en grandeur, plus sa surface est relativement petite : d’où il suit que dans un petit navire il y a une moindre raison, c’est-à-dire, une plus grande différence de la surface du navire au poids ou à la charge qu’il peut porter, que dans un grand. On sait que, par une pratique à peu près générale, on met dans un navire une charge d’un poids égal à celui de la moitié de l’eau qu’il pourroit contenir. Supposons qu’un navire tint huit cents tonneaux d’eau, sa charge seroit de quatre cents tonneaux ; celle d’un navire qui ne tiendroit que quatre cents tonneaux d’eau, seroit de deux cents tonneaux. Ainsi la grandeur du premier navire seroit, au poids qu’il porteroit, comme 8 est à A ; et celle du second, comme à est à 2. Supposons que la surface du grand soit, à la surface du petit, comme 8 est à 6 ; la surface [1] de celui-ci sera, à son poids, comme 6 est à 2 ; tandis que la surface de celui-là ne sera, à son poids, que comme 8 est à A ; et les vents

  1. C'est-à-dire, pour comparer les grandeurs de même genre : l’action ou la prise du fluide sur le navire sera, à la résistance du même navire, comme, etc. (M.)