Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/423

Cette page n’a pas encore été corrigée
407
LIVRE XXI, CHAP. VI.


que la longueur du voyage prouve la grandeur de l'éloignement.

Pline et Strabon nous disent que le chemin qu’un navire des Indes et de la mer Rouge, fabriqué de joncs, faisoit en vingt jours, un navire grec ou romain le faisoit en sept [1]. Dans cette proportion, un voyage d’un an pour les flottes grecques et romaines étoit à peu près de trois pour celles de Salomon.

Deux navires d’une vitesse inégale ne font pas leur voyage dans un temps proportionné à leur vitesse : la lenteur produit souvent une plus grande lenteur. Quand il s’agit de suivre les côtes, et qu’on se trouve sans cesse dans une différente position ; qu’il faut attendre un bon vent pour sortir d’un golfe, en avoir un autre pour aller en avant, un navire bon voilier profite de tous les temps favorables, tandis que l’autre reste dans un endroit diflicile, et attend plusieurs jours un autre changement.

Cette lenteur des navires des Indes, qui, dans un temps égal, ne pou voient faire que le tiers du chemin que faisoient les vaisseaux grecs et romains, peut s’expliquer par ce que nous voyons aujourd’hui dans notre marine. Les navires des Indes, qui étoient de jonc, tiroient moins d’eau que les vaisseaux grecs et romains, qui étoient de bois, et joints avec du fer.

On peut comparer ces navires des Indes à ceux de quelques nations d’aujourd’hui, dont les ports ont peu de fond ; tels sont ceux de Venise, et même en général de l’Italie [2], de la mer Baltique et de la province de Hol-

  1. Voyez Pline, liv. VI, C. XXII ; et Strabon, liv. XV. (M.)
  2. Elle n'a presque que des rades ; mais la Sicile a de très-bons ports. (M.)