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LIVRE XXI, CHAP. VI.


livre de son Chanaan à faire l’énumération des colonies qu’ils envoyèrent dans tous les pays qui sont près de la mer ; ils passèrent les colonnes d’Hercule, et firent des établissements [1] sur les côtes de l’Océan.

Dans ces temps-là, les navigateurs étoient obligés de suivre les côtes, qui étoient, pour ainsi dire, leur boussole. Les voyages étoient longs et pénibles. Les travaux de la navigation d’Ulysse ont été un sujet fertile pour le plus beau poëme du monde [2] , après celui qui est le premier de tous [3].

Le peu de connoissance que la plupart des peuples avoient de ceux qui étoient éloignés d’eux, favorisoit les nations qui faisoient le commerce d’économie. Elles mettoient dans leur négoce les obscurités qu’elles vouloient : elles avoient tous les avantages que les nations intelligentes prennent sur les peuples ignorants.

L’Egypte, éloignée par la religion et par les mœurs de toute communication avec les étrangers, ne faisoit guère de commerce au dehors : elle jouissoit d’un terrain fertile et d’une extrême abondance. C’étoit le Japon de ces temps-là ; elle se suflisoit à elle-même.

Les Égyptiens furent si peu jaloux du commerce du dehors [4], qu’ils laissèrent celui de la mer Rouge à toutes les petites nations qui y eurent quelque port. Jls souffrirent que les Iduméens, les Juifs et les Syriens y eussent des flottes. Salomon [5] employa à cette navigation des Tyriens qui connoissoient ces mers.

  1. Ils fondèrent Tartèse, et s’établirent à Cadix. (M.)
  2. L’Odyssée.
  3. L'Illiad.
  4. A. B. Les Égyptiens furent si peu jaloux du commerce, qu’ils laissèrent, etc.
  5. Liv. III des Rois, C. IX, V. 26 ; Paralip., liv. II, C. VIII, V. 17. (M.)