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CHAPITRE III[1].


QUE LES BESOINS DES PEUPLES DU MIDI
SONT DIFFÉRENTS
DE CEUX DES PEUPLES DU NORD.


II y a dans l’Europe une espèce de balancement entre les nations du midi et celles du nord. Les premières ont toutes sortes de commodités pour la vie, et peu de besoins ; les secondes ont beaucoup de besoins, et peu de commodités pour la vie. Aux unes, la nature a donné beaucoup, et elles ne lui demandent que peu ; aux autres, la nature donne peu, et elles lui demandent beaucoup. L’équilibre se maintient par la paresse qu’elle a donnée aux nations du midi, et par l’industrie et l’activité qu’elle a données à celles du nord. Ces dernières sont obligées de travailler beaucoup, sans quoi elles manqueroient de tout, et deviendroient barbares. C’est ce qui a naturalisé la servitude chez les peuples du midi : comme ils peuvent aisément se passer de richesses, ils peuvent encore mieux se passer de liberté. Mais les peuples du nord ont besoin de la liberté, qui leur procure plus de moyens de satisfaire tous les besoins que la nature leur a donnés. Les peuples du nord sont donc dans un état forcé, s’ils ne sont libres ou barbares : presque tous les peuples du midi sont, en quelque façon, dans uu état violent, s’ils ne sont esclaves.

  1. Dans A. B. ce chapitre est placé après le suivant.