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CHAPITRE XXIII.


A QUELLES NATIONS IL EST DESAVANTAGEUX
DE FAIRE LE COMMERCE.


Les richesses consistent en fonds de terre ou en effets mobiliers : les fonds de terre de chaque pays sont ordinairement possédés par ses habitants. La plupart des États ont des lois qui dégoûtent les étrangers de l’acquisition de leurs terres [1] ; il n’y a môme que la présence du maître qui les fasse valoir : ce genre de richesses appartient donc à chaque État en particulier. Mais les effets mobiliers, comme l’argent, les billets, les lettres de change, les actions sur les compagnies, les vaisseaux, toutes les marchandises, appartiennent au monde entier, qui, dans ce rapport, ne compose qu’un seul État, dont toutes les sociétés sont les membres : le peuple qui possède le plus de ces effets mobiliers de l’univers, est le plus riche. Quelques États en ont une immense quantité ; ils les acquièrent chacun par leurs denrées, par le travail de leurs ouvriers, par leur industrie, par leurs découvertes, par le hasard même. L’avarice des nations se dispute les meubles [2] de tout l’univers. Il peut se trouver un État si

  1. C’est ce qu’on appelait le droit d’aubaine, qui confisquait la saccession de l’étranger.
  2. C’est-à-dire la richesse mobilière.