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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Mais ces hommes si fiers, vivant beaucoup avec eux-mêmes, se trouveroient souvent au milieu de gens inconnus ; ils seroient timides, et l’on verroit en eux, la plupart du temps, un mélange bizarre de mauvaise honte et de fierté.

Le caractère de la nation parottroit surtout dans leurs ouvrages d’esprit, dans lesquels on verroit des gens recueillis, et qui auroient pensé tout seuls.

La société nous apprend à sentir les ridicules ; la retraite nous rend plus propres à sentir les vices. Leurs écrits satiriques seroient sanglants ; et l’on verroit bien des Juvénals chez eux, avant d’avoir trouvé un Horace.

Dans les monarchies extrêmement absolues, les historiens trahissent la vérité, parce qu’ils n’ont pas la liberté de la dire : dans les États extrêmement libres, ils trahissent la vérité à cause de leur liberté même, qui, produisant toujours des divisions, chacun devient [1] aussi esclave des préjugés de sa faction, qu’il le seroit d’un despote.

Leurs poètes auroient plus souvent cette rudesse originale de l’invention, qu’une certaine délicatesse que donne le goût : on y trouveroit quelque chose qui approcheroit plus de la force de Michel-Ange que de la grâce de Raphaël [2].

    qu’ils sont unis à d'autres. L'orgueil, joint à une vaste ambition et à la grandeur des idées, produisit de certains effets chez les Romains ; l’orgueil, joint à une grande oisiveté avec la foiblesse de l'esprit, avec l'amour des commodités de la vie, en produit d'autres chez d'autres nations. » La réponse n'est pas satisraisante. En fait, dans le chap. IX du liv. XIX, Montesquieu a mis les Français au-dessus des Espagnols ; ici il les met au-dessous des Anglais.

  1. A. B. Chacun deviendroit, etc.
  2. Allusion à Milton.
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