embrasser la religion dominante ; ou que l'on seroit zélé
pour la religion en général, moyennant quoi les sectes se
multiplieroient.
Il ne seroit pas impossible qu il y eût dans cette nation des gens qui n’auroient point de religion, et qui ne voudroient pas cependant souffrir qu’on les obligeât à changer celle qu’ils auroient, s ils en avoient une : car ils sentiroient d’abord que la vie et les biens ne sont pas plus à eux que leur manière de penser ; et que qui peut ravir l’un, peut encore mieux ôter l’autre.
Si, parmi les différentes religions, il y en avoit une [1] à l’établissement de laquelle on eût tenté de parvenir par la voie de l’esclavage[2], elle y seroit odieuse ; parce que, comme nous jugeons des choses par les liaisons et les accessoires que nous y mettons, celle-ci ne se présenteroit jamais à l'esprit avec l’idée de liberté.
Les lois contre ceux qui professeroient cette religion, ne seroient point sanguinaires ; car la liberté n’imagine point ces sortes de peines ; mais elles seroient si réprimantes, qu’elles feroient tout le mal qui peut se faire de sang-froid.
Il pourroit arriver de mille manières que le clergé auroit si peu de crédit que les autres citoyens en auroient davantage. Ainsi, au lieu de se séparer [3], il aimeroit mieux supporter les mêmes charges que les laïques, et ne faire à cet égard qu’un môme corps : mais, comme il chercheroit toujours à s’attirer le respect du peuple, il se distin-