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DE L’ESPRIT DES LOIS.


d’un autre citoyen, chacun feroit plus de cas de sa liberté que de la gloire de quelques citoyens, ou d’un seul.

Là, on regarderoit les hommes de guerre comme des gens d’un métier qui peut être utile et souvent dangereux, comme des gens dont les services sont laborieux [1] pour la nation même ; et les qualités civiles y seroient plus considérées.

Cette nation, que la paix et la liberté rendroient aisée, affranchie des préjugés destructeurs, seroit portée à devenir commerçante. Si elle avoit quelqu’une de ces marchandises primitives [2] qui servent à faire de ces choses auxquelles la main de l’ouvrier donne un grand prix, elle pourroit faire des établissements propres à se procurer la jouissance de ce don du ciel dans toute son étendue.

Si cette nation éloit située vers le nord, et qu’elle eût un grand nombre de denrées superflues ; comme elle manqueroit aussi d’un grand nombre de marchandises que son climat lui refuseroit, elle feroit un commerce nécessaire, mais grand, avec les peuples du Midi : et, choisissant les États qu’elle favoriseroit d’un commerce avantageux, elle feroit des traités réciproquement utiles avec la nation qu’elle auroit choisie [3].

Dans un État où, d’un côté, l’opulence seroit extrême, et, de l’autre, les impôts excessifs, on ne pourroit guère vivre sans industrie avec une fortune bornée. Bien des gens, sous prétexte de voyages ou de santé, s’exileroient de chez eux, et iroient chercher l’abondance dans les pays de la servitude même [4].

  1. C’est-à-dire pesants.
  2. La laine et le lin.
  3. Inf., XX, VII.
  4. Aux Colonies ? Peut-être est-ce une allusion à l'Italie, sinon même la France.