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CHAPITRE XVIII.


CONSÉQUENCE DU CHAPITRE PRÉCÉDENT.


Il résulte de là que la Chine ne perd point ses lois par la conquête. Les manières, les mœurs, les lois, la religion y éiant la même chose, on ne peut changer tout cela à la fois. Et comme il faut que le vainqueur ou le vaincu changent, il a toujours fallu à la Chine que ce fût le vainqueur : car ses mœurs n’étant point ses manières ; ses manières, ses lois ; ses lois, sa religion ; il a été plus aisé qu’il se pliât peu à peu au peuple vaincu, que le peuple vaincu à lui [1].

Il suit encore de là une chose bien triste : c’est qu’il n’est presque pas possible que le christianisme s’établisse jamais à la Chine [2]. Les vœux de virginité, les assemblées des femmes dans les églises, leur communication néces-

  1. « La Chine, vaincue plusieurs fois, a réduit ses vainqueurs en les assujettissant à ses usages, et les a tellement changés qu’en peu de temps on ne les reconnoissoit plus. C'est une mer qui sale tous les fleuves qui s'y précipitent. Je veux dire que les conquérants de la Chine ont été obligés de la gouverner selon ses lois, ses maximes et ses coutumes. Ils n'ont pu changer ni le caractère ni la langue chinoise ; ils n'ont pas pu même introduire celle qui leur étoit propre dans les villes où ils tendent leur cour. En un mot, leurs descendants sont devenus Chinois. » (Lettre du P. Parennin à M. de Mairan, Lettres édifiantes, XXIVe recueil, p. 58, 59.)
  2. Voyez les raisons données par les magistrats chinois, dans les décrets par lesquels ils proscrivent la religion chrétienne. (Lettres édifiantes. recueil XVII. (M.)