CHAPITRE V.
S'il y avoit dans le inonde une nation qui eût une humeur sociable, une ouverture de cœur, une joie dans la vie, un goût, une facilité à communiquer ses pensées ; qui fût vive, agréable, enjouée, quelquefois impnidente, souvent indiscrète ; et qui eût avec cela du courage, de la générosité, de la franchise, un certain point d’honneur, il ne faudroit point chercher à gêner, par des lois, ses manières, pour ne point gêner ses vertus. Si en général le caractère est bon, qu’importe de quelques défauts qui s’y trouvent [1]?
On y pourroit contenir les femmes, faire des lois pour corriger leurs mœurs, et borner leur luxe ; mais qui sait si on n’y perdroit pas un certain goût qui seroit la source des richesses de la nation, et une politesse qui attire chez elle les étrangers ?
C’est au législateur à suivre l’esprit de la nation, lorsqu’il n’est pas contraire aux principes du gouvernement ; car nous ne faisons rien de mieux que ce que nous faisons librement, et en suivant notre génie naturel.
- ↑ Il ne faut pas être lynx pour reconnaître ici le François. (LUZAC.) Sup., IX, VII.