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CHAPITRE IV.


CE QUE C'EST QUE L’ESPRIT GÉNÉRAL.


Plusieurs choses gouvernent les hommes : le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières ; d’où il se forme un esprit général qui en résulte.

A mesure que, dans chaque nation, une de ces causes agit avec plus de force, les autres lui cèdent d’autant. La nature et le climat dominent presque seuls sur les sauvages ; les manières gouvernent les Chinois ; les lois tyrannisent le Japon ; les mœurs donnoient autrefois le ton dans Lacédémone ; les maximes du gouvernement et les mœurs anciennes [1] le donnoient dans Rome [2].

  1. Mores majorum. Ces mots avaient un sens précis et technique chez les Romains ; c’est ce que les Anglais appellent les précédents.
  2. Quoique les lois agissent sur les mœurs, elles en dépendent. Ainsi, Montesquieu corrige toujours par quelque vérité nouvelle une première pensée qui ne paraissait excessive que parce qu’on la voyait seule. La nature et le climat dominent presque exclusivement les sauvages ; les peuples civilisés obéissent aux influences morales. La plus invincible de toutes, c’est l'esprit général d’une nation ; il n’est au pouvoir de personne de le changer ; il agit sur ceux qui voudraient le méconnaître ; il fait les lois ou les rend inutiles ; les lois ne peuvent l’attaquer, parce que ce sont deux puissances d’nne nature diverse ; il échappe ou résiste à tout le reste. (VILLEMAIN, Éloge de Montesquieu.)
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