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CHAPITRE III.


DE LA TYRANNIE.


Il y a deux sortes de tyrannie : une réelle, qui consiste dans la violence du gouvernement ; et une d’opinign, qui se fait sentir lorsque ceux qui gouvernent établissent des choses qui choquent la manière de penser d’une nation [1].

Dion dit qu’Auguste voulut se faire appeler Romulus ; mais qu’ayant appris que le peuple craignoit qu’il ne voulût se faire roi, il changea de dessein. Les premiers Romains ne vouloient point de roi, parce qu’ils n’en pouvoient souffrir la puissance ; les Romains d’alors ne vouloient point de roi, pour n’en point souffrir les manières. Car, quoique César, les triumvirs, Auguste, fussent de véritables rois, ils avoient gardé tout l’extérieur de l’égalité, et leur vie privée contenoît une espèce d’opposition avec le faste des rois d’alors ; et quand ils ne vouloient point de roi, cela signifioit qu’ils vouloient garder leurs manières, et ne pas prendre celles des peuples d’Afrique et d’Orient.

Dion [2] nous dit que le peuple romain étoit indigné

  1. Voilà une réflexion des plus sensées, et à laquelle on ne fait communément que trop peu d’attention. (LUZAC.)
  2. Liv. LIV, C. XVII, p. 532. (M.)