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CHAPITRE II.


COMBIEN POUR LES MEILLEURES LOIS IL EST NÉCESSAIRE
QUE LES ESPRITS SOIENT PRÉPARÉS.


Rien ne parut plus insupportable aux Germains [1] que le tribunal de Varus. Celui que Justinien érigea [2] chez les Laziens, pour faire le procès au meurtrier de leur roi, leur parut une chose horrible et barbare. Mithridate [3], haranguant contre les Romains, leur reproche surtout les formalités [4] de leur justice. Les Parthes ne purent supporter ce roi, qui, ayant été élevé à Rome, se rendit aflable [5] et accessible à tout le monde. La liberté même a paru insupportable à des peuples qui n’étoient pas accoutumés à en jouir [6]. C’est ainsi qu’un air pur est quelquefois nuisible à ceux qui ont vécu dans les pays marécageux.

Un Vénitien nommé Balbi, étant au Pégu, fut introduit chez le roi. Quand celui-ci apprit qu’il n’y avoit point de roi à Venise, il fit un si grand éclat de rire,

  1. Ils coupoient la langue aux avocats et disoient : Vipère, cesse de siffler. Tacite. (M.) C’est Florus, IV, 12, qui dit cela.
  2. Agathias, liv. IV. (M.)
  3. Justin, liv. XXXVIII. (M.)
  4. Calumnias litium, Ibid. (M.) Le sens est : chicanes odieuses.
  5. Prompti aditus, nova comitas, ignotœ Parthis virtutes, nova vitia Tacite, Ann., lib. II, C. II.
  6. Sup. XI, II.