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CHAPITRE XX.


DU DROIT DES GENS DES TARTARES.


Les Tartares paroissent entre eux doux et humains, et ils sont des conquérants trës-cruels ; ils passent au fil de l’épée les habitants des villes qu’ils prennent : ils croient leur faire grâce lorsqu’ils les vendent ou les distribuent à leurs soldats [1]. Ils ont détruit l’Asie depuis les Indes jusqu’à la Méditerranée ; tout le pays qui forme l’orient de la Perse en est resté désert.

Voici ce qui me parolt avoir produit un pareil droit des gens. Ces peuples n’avoient point de villes ; toutes leurs guerres se faisoient avec promptitude et avec impétuosité. Quand ils espéroient de vaincre, ils combattoient ; ils augmentoient l’armée des plus forts quand ils ne l’espéroient pas. Avec de pareilles coutumes, ils trouvoient qu’il étoit contre leur droit des gens qu’une ville, qui ne pouvoit leur résister, les arrêtât. Ils ne regardoient pas les villes comme une assemblée d’habitants, mais comme des lieux propres à se soustraire à leur puissance. Ils n’avoient aucun art pour les assiéger, et ils s’exposoient beaucoup en les assiégeant ; ils vengeoient par le sang tout celui qu’ils venoient de répandre.

  1. Voir la lettre de Montesquieu à Grosley, et Sup. XV, II.
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