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CHAPITRE XVIII.


FORCE DE LA SUPERSTITION.


Si ce que les relations nous disent est vrai, la constitution d’un peuple de la Louisiane nommé les Natchés déroge à ceci. Leur chef [1] dispose des biens de tous ses sujets, et les fait travailler à sa fantaisie : ils ne peuvent lui refuser leiur tête ; il est comme le Grand Seigneur. Lorsque l’héritier présomptif vient à naître, on lui donne tous les enfants à la mamelle, pour le servir pendant sa vie. Vous diriez que c’est le grand Sésostris. Ce chef est traité dans sa cabane avec les cérémonies qu’on feroit à un empereur du Japon ou de la Chine.

Les préjugés de la superstition sont supérieurs à tous les autres préjugés, et ses raisons à toutes les autres raisons. Ainsi, quoique les peuples sauvages ne connoissent point naturellement le despotisme, ce peuple-ci le connoît. Ils adorent le soleil, et si leur chef n’avoit pas imaginé qu’il étoît le frère du soleil, ils n’auroient trouvé en lui qu’un misérable comme eux [2].

  1. Lettres édifiantes, vingtième recueil. (M.)
  2. Ces coutumes donneraient à penser que les Natchez, chantés par Chateaubriand, appartiennent à une race particulière, venue peut-être du Mexique. On ne trouve rien de pareil chez les autres sauvages de l'Amérique du Nord.
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