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CHAPITRE XVII.


DES LOIS POLITIQUES
CHEZ LES PEUPLES QUI N’ONT POINT L’USAGE
DE LA MONNOIE.


Ce qui assure le plus la liberté des peuples qui ne cultivent point les terres, c’est que la monnoie leur est inconnue [1]. Les fruits de la chasse, de la pêche, ou des troupeaux, ne peuvent s’assembler en assez grande quantité, ni se garder assez, pour qu’un homme se trouve en état de corrompre tous les autres : au lieu que, lorsque l’on a des signes de richesses, on peut faire un amas de ces signes, et les distribuer à qui l'on veut.

Chez les peuples qui n’ont point de monnoie, chacun a peu de besoins, et les satisfait aisément et également. L’égalité est donc forcée ; aussi leurs chefs ne sont-ils point despotiques.

  1. V. Sup. ch. XIV, note I. On a beaucoup abusé des sauvages, de leur prétendue liberté et de leurs vertus primitives. Rousseau a fini par mettre l'àge d'or chez ces barbares. Montesquieu ne va pas aussi loin ; mais il est entaché de cette erreur ; on reconnaît chez l'auteur des Troglodites un élève de Platon, un admirateur de Fénelon.
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