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CHAPITRE XVI.


DES LOIS CIVILES
CHEZ LES PEUPLES QUI NE CONNOISSENT POINT
L'USAGE DE LA MONNOIE.


Quand un peuple n’a pas l’usage de la monnoie, on ne connolt guère chez lui que les injustices qui viennent de la violence ; et les gens foibles, en s’unissant, se défendent contre la violence. Il n’y a guère là que des arrangements politiques. Mais chez un peuple où la monnoie est établie, on est sujet aux injustices qui viennent de la ruse ; et ces injustices peuvent être exercées de mille façons. On y est donc forcé d’avoir de bonnes lois civiles ; elles naissent avec les nouveaux moyens et les diverses manières d’être méchant [1].

Dans les pays où il n’y a point de monnoie, le ravisseur n’enlève que des choses, et les choses ne se ressemblent jamais. Dans les pays où il y a de la monnoie, le ravisseur enlève des signes, et les signes se ressemblent toujours. Dans les premiers pays rien ne peut être caché, parce que le ravisseur porte toujours avec lui des preuves de sa conviction : cela n’est pas de même dans les autres [2].

  1. Elles naissent plutôt de la diversité et du mélange des intérêts.
  2. A. B. C’est tout le contraire dans les autres.
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