Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/287

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE XIV.


DE L'ÉTAT POLITIQUE DES PEUPLES
QUI NE CULTIVENT POINT LES TERRES.


Ces peuples jouissent d’une grande liberté : car, comme ils ne cultivent point les terres, ils n’y sont point attachés ; ils sont errants, vagabonds ; et si un chef vouloit leur ôter leur liberté, ils l’iroient d’abord chercher chez un autre, ou se retîreroient dans les bois pour y vivre avec leur famille. Chez ces peuples, la liberté de l’homme est si grande, qu’elle entraîne nécessairement la liberté du citoyen [1].

  1. Il ne faut pas parler de citoyens là où il n'y a ni cité ni État. Il ne faut point non plus parler de liberté, au sens que donnent à ce mot les peuples civilisés. La liberté des sauvages, c'est le droit d'errer dans les bois et les plaines, au risque d’y mourir de faim. On trouve chez eux la famille, quelquefois même la tribu ; mais comparer leur indépendance à la liberté civile des peuples qui forment des États, c'est rapprocher des choses qui n'ont rien de commun. Un sauvage, qui peut tout faire, est cent fois moins libre qu'un Anglais protégé par les lois de son pays.
    ____________