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CHAPITRE VI.


NOUVELLE CAUSE PHYSIQUE DE LA SERVITUDE DE L'ASIE
ET DE LA LIBERTE DE L’EUROPE.


En Asie, on a toujours vu de grands empires ; en Europe, ils n’ont jamais pu subsister. C’est que l’Asie que nous connoissons a de plus grandes plaines ; elle est coupée en plus grands morceaux par les mers [1] ; et, comme elle est plus au midi, les sources y sont plus aisément taries, les montagnes y sont moins couvertes de neiges, et les fleuves [2] moins grossis y forment de moindres barrières.

La puissance doit donc être toujours despotique en Asie. Car, si la servitude n’y étoit pas extrême [3], il se feroit d’abord un partage que la nature du pays ne peut pas souffrir.

En Europe, le partage naturel forme plusieurs États d’une étendue médiocre, dans lesquels le gouvernement des lois n’est pas incompatible avec le maintien de l’État : au contraire, il y est si favorable, que, sans elles, cet État tombe dans la décadence, et devient inférieur à tous les autres.

  1. A. B. Par les montagnes et les mers.
  2. Les eaux se perdent ou s'évaporent avant de se ramasser, ou après s’ètre ramassées. (M.)
  3. Sup., X, XXI.