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LIVRE XVI, CHAP. XVI.


se marier à un homme plus heureux que Iui. Nous venons de voir que la loi des Douze Tables et les mœurs des Romains étendirent beaucoup la loi de Romulus. Pourquoi ces extensions, si on n’avoit jamais fait usage de la faculté de répudier ? De plus, si les citoyens eurent un tel respect pour les auspices, qu’ils ne répudièrent jamais, pourquoi les législateurs de Rome en eurent-ils moins ? Comment la loi corrompit-elle sans cesse les mœurs ?

En rapprochant deux passages de Plutarque, on verra disparoltre le merveilleux du fait en question. La loi royale [1] permettoit au mari de répudier dans les trois cas dont nous avons parlé. « Et elle vouloit, dit Plutarque [2] , que celui qui répudieroit dans d’autres cas, fût obligé de donner la moitié de ses biens à sa femme, et que l’autre moitié fût consacrée à Cérés. » On pouvoit donc répudier dans tous les cas, en se soumettant à la peine. Personne ne le fit avant Carvilius Ruga [3], «  qui, comme dit encore Plutarque [4], répudia sa femme pour cause de stérilité, deux cent trente ans après Romulus » ; c’est-à-dire, qu’il la répudia soixante et onze ans avant la loi des Douze Tables, qui étendit le pouvoir de répudier, et les causes de répudiation.

Les auteurs que j’ai cités disent que Carvilius Ruga aimoit sa femme ; mais qu’à cause de sa stérilité, les censeurs lui firent faire serment qu’il la répudieroit, afin qu’il pftt donner des enfants à la république ; et que cela le

  1. Plutarque, Vie de Romulus. (M.)
  2. Plutarque, Vie de Romulus. (M.)
  3. Effectivement, la cause de stérilité n'est point portée par la loi de Romulus. Il y a apparence qu'il ne fut point sujet à la confiscation, puisquil suivoit l'ordre des censeurs. (M.)
  4. Dans la Comparaison de Thésée et de Romulus. (M.)