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LIVRE XVI, CHAP. IX.


On trouve des mœurs plus pures dans les divers États d’Orient, à proportion que la clôture des femmes y est plus exacte. Dans les grands États, il y a nécessairement des grands seigneurs. Plus ils ont de grands moyens, plus ils sont en état de tenir les femmes dans une exacte clôture, et de les empêcher de rentrer dans la société. C’est pour cela que, dans les empires du Turc, de Perse, du Mogol, de la Chine et du Japon, les mœurs des femmes sont admirables [1].

On ne peut pas dire la même chose des Iodes, que le nombre infini d’îles et la situation du terrain ont divisées en une infinité de petits États, que le grand nombre des causes, que je n’ai pas le temps de rapporter ici [2], rendent despotiques.

Là, il n’y a que des misérables qui pillent, et des misérables qui sont pillés. Ceux qu’on appelle des grands n’ont que de très-petits moyens ; ceux que l’on appelle des gens riches n’ont guère que leur subsistance. La clôture des femmes n’y peut être aussi exacte ; l’on n’y peut pas prendre d’aussi grandes précautions pour les contenir ; la corruption de leurs mœurs y est inconcevable.

C’est là qu’on voit jusqu’à quel point les vices du climat, laissés dans une grande liberté, peuvent porter le désordre. C’est là que la nature a une force, et la pudeur une foiblesse qu’on ne peut comprendre. A Patane [3], la

  1. C’est une assertion qui aurait besoin d’être prouvée. Les harems n’ont jamais passé pour être le sanctuaire de l'innocence et de la pureté. Et il est difficile d’admettre que la vertu des femmes dépende de la sévérité de la clôture.
  2. A. B. Que nous n’avons pas le temps de rapporter ici, etc.
  3. Recueil des voyages qui ont servi à l'établissement de la compagnie des Indes, t. II, part, II, p. 106. (M.) — Montesquieu cite souvent ces voyageurs de la compagnie des Indes ; mais ce sont des autorités qui auraient