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CHAPITRE VI.


DE LA POLYGAMIE EN ELLE-MÊME.


A regarder la polygamie en général, indépendamment des circonstances qui peuvent la faire un peu tolérer, elle n’est point utile au genre humain, ni à aucun des deux sexes, soit à celui qui abuse, soit à celui dont on abuse [1]. Elle n’est pas non plus utile aux enfants ; et un de ses grands inconvénients est que le père et la mère ne peuvent avoir la même affection pour leurs enfants ; un père ne peut pas aimer vingt enfants, comme une mère en aime deux. C’est bien pis quand une femme a plusieurs maris ; car pour lors, l’amour paternel ne tient plus qu’à cette opinion [2], qu’un père peut croire, s’il veut, ou que les autres peuvent croire, que de certains enfants lui appartiennent.

On dit que le roi de Maroc a dans son sérail des femmes blanches, des femmes noires, des femmes jaunes.

  1. On observe généralement, tant en Perse que dans tout l'Orient, que la multiplicité des femmes ne peuple pas le monde davantage ; et même d'ordinaire les familles sont moins nombreuses en Perse qu'en France. Cela vient, dit-on, de ce que les hommes et les femmes se mettent trop tôt ensemble, et avant l'âge mûr, et, bien loin de ménager leur vigueur s’excitent par des remèdes qui les consument à force de les échauffer. Les femmes cessent aussi fort vite d’enfanter en Orient, à savoir dès l'âge de vingt-sept ou trente ans. CHARDIN, Voyage de Perse, ch. XII.
  2. A. B. Ne tient qu’à cette opinion, etc.