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DE L'ESPRIT DES LOIS.


se conservent mieux, où elles sont plus tard nubiles, et où elles ont des enfants dans un âge plus avancé, la vieillesse de leur mari suit en quelque façon la leur ; et, comme elles y ont plus de raison et de connoissances quand elles se marient, ne fût-ce que parce qu’elles ont plus longtemps vécu, il a dû naturellement s’introduire une espèce d’égalité dans les deux sexes, et par conséquent la loi d’une seule femme.

Dans les pays froids, l’usage presque nécessaire des boissons fortes établit l’intempérance parmi les hommes [1]. Les femmes, qui ont à cet égard une retenue naturelle, parce qu’elles ont toujours à se défendre, ont donc encore l’avantage de la raison sur eux.

La nature, qui a distingué les hommes par la force et par la raison, n’a mis à leur pouvoir de terme que celui de cette force et de cette raison. Elle a donné aux femmes les agréments, et a voulu que leur ascendant finit avec ces agréments [2] ; mais dans les pays chauds, ils ne se trouvent que dans les commencements, et jamais dans le cours de leur vie.

Ainsi la loi qui ne permet qu’une femme se rapporte plus au physique du climat de l’Europe qu’au physique du climat de l’Asie [3]. C’est une des raisons qui a fait que le mahométisme a trouvé tant de facilité à s’établir en Asie, et tant de difficulté à s’étendre en Europe ; que le christianisme s’est maintenu en Europe, et a été détruit en Asie ; et qu’enfin les mahométans font tant de progrès

  1. Sup., XIV, X.
  2. La phrase : et a voulu que leur ascendant, etc., n’est pas dans A.
  3. A. B. Ainsi la loi qui ne permet qu'une femme est conforme au physique du climat de l'Europe, et non au physique du climat de l'Asie. C’est pour cela que le mahométisme a trouvé, etc.