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LIVRE XV CHAP. XVIII.


mandarins civils et militaires sont eunuques. » Ils n’ont point de famille ; etquoiqu’ils soient naturellement avares, le maître ou le prince profite à la fin de leur avarice même.

Le même Dampier [1] nous dit que, dans ce pays, les eunuques ne peuvent se passer de femmes, et qu’ils se marient. La loi qui leur permet le mariage, ne peut être fondée, d’un côté, que sur la considération que l'on y a pour de pareilles gens ; et de l’autre, sur le mépris qu’on y a pour les femmes.

Ainsi l’on confie à ces gens-là les magistratures, parce qu’ils n’ont point de famille ; et, d’un autre côté, on leur permet de se marier, parce qu’ils ont les magistratures.

C’est pour lors que les sens qui restent veulent obstinément suppléer à ceux que l’on a perdus ; et que les entreprises du désespoir sont une espèce de jouissance. Ainsi, dans Milton, cet Esprit à qui il ne reste que des désirs, pénétré de sa dégradation, veut faire usage de son impuissance même.

On voit, dans l’histoire de la Chine, un grand nombre de lois pour ôter aux eunuques tous les emplois civils et militaires ; mais ils reviennent toujours. Il semble que les eunuques, en Orient, soient un mal nécessaire.

  1. Tome III, p.94. (M.)
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