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CHAPITRE XVI.


PRÉCAUTIONS A PRENDRE DANS LE GOUVERNEMENT
MODÉRÉ.


L’humanité que l'on aura pour les esclaves pourra prévenir dans l’État modéré les dangers que l’on pourroit craindre de leur trop grand nombre. Les hommes s’accoutument à tout, et à la servitude même, pourvu que le maître ne soit pas plus dur que la servitude. Les Athéniens traitoient leurs esclaves avec une grande douceur : on ne voit point qu’ils aient troublé l’État à Athènes, comme ils ébranlèrent celui de Lacédémone.

On ne voit point que les premiers Romains aient eu des inquiétudes à l’occasion de leurs esclaves. Ce fut lorsqu’ils eurent perdu pour eux tous les sentiments de l’humanité, que l’on vit naître ces guerres civiles qu’on a comparées aux guerres puniques [1].

Les nations simples, et qui s’attachent elles-mêmes au travail, ont ordinairement plus de douceur pour leurs esclaves que celles qui y ont renoncé. Les premiers Romains vivoient, travailloient et mangeoient avec leurs esclaves ; ils avoient pour eux beaucoup de douceur et d’équité : la plus grande peine qu’ils leur infligeassent étoit de les

  1. « La Sicile, dit Florus, plus cruellement dévastée par la guerre servile que par la guerre punique. » Liv. III, c. XIX. (M.)