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CHAPITRE XII.


ABUS DE L’ESCLAVAGE.


Dans les États mahométans [1], on est non-seulement maître de la vie et des biens des femmes esclaves, mais encore de ce qu’on appelle leur vertu ou leur honneur. C’est un des malheurs de ces pays, que la plus grande partie de la nation n’y soit faite que pour servir à la volupté de l’autre. Cette servitude est récompensée par la paresse dont on fait jouir de pareils esclaves ; ce qui est encore pour l’État un nouveau malheur.

C’est cette paresse qui rend les sérails d’Orient [2] des lieux de délices pour ceux mêmes contre qui ils sont faits. Des gens qui ne craignent que le travail peuvent trouver leur bonheur dans ces lieux tranquilles. Mais on voit que par là on choque même l’esprit de l’établissement de l’esclavage.

La raison veut que le pouvoir du maître ne s’étende point au delà des choses qui sont de son service ; il faut que l’esclavage soit pour l’utilité, et non pas pour la volupté. Les lois de la pudicité sont du droit naturel, et doivent être senties par toutes les nations du monde.

Que si la loi qui conserve la pudicité des esclaves est

  1. Voyer Chardin, Voyage de Perse. (M.)
  2. Voyez Chardin, t. II, dans sa Description du marché d’Izagour. (M.)