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CHAPITRE IX[1].


DES NATIONS CHEZ LESQUELLES LÀ LIBERTE CIVILE
EST GENRALEMENT ETABLIE.


On entend dire tous les jours qu’il seroit bon que parmi nous il y eût des esclaves.

Mais, pour bien juger de ceci, il ne faut pas examiner s’ils seroient utiles à la petite partie riche et voluptueuse de chaque nation ; sans doute qu’ils lui seroient utiles ; mais, prenant un autre point de vue, je ne crois pas qu’aucun de ceux qui la composent voulût tirer au sort pour savoir qui devroit former la partie de la nation qui seroit libre, et celle qui seroit esclave. Ceux qui parlent le plus pour l’esclavage l’auroient le plus en horreur, et les hommes les plus misérables en auroient horreur de même. Le cri pour l’esclavage est donc le cri du luxe et de la volupté, et non pas celui de l’amour de la félicité publique. Qui peut douter que chaque homme, en particulier, ne fût très-content d’être le maître des biens, de l’honneur, et de la vie des autres ; et que toutes ses passions ne se réveillassent d’abord à cette idée ? Dans ces choses, voulez -vous

  1. Ce chapitre n'est pas dans A. B. Il est tiré dans la lettre écrite à Grosley en 1750.