CHAPITRE VI.
Il est temps de chercher la vraie origine du droit de l’esclavage. Il doit être fondé sur la nature des choses [1] : voyons s’il y a des cas où il en dérive.
Dans tout gouvernement despotique, on a une grande facilité à se vendre : l’esclavage politique y anéantit en quelque façon la liberté civile.
M. Perry [2] dit que les Moscovites se vendent très-aisément. J’en sais bien la raison : c’est que leur liberté ne vaut rien.
A Achim tout le monde cherche à se vendre. Quelques-uns des principaux seigneurs [3] n’ont pas moins de mille esclaves, qui sont des principaux marchands, qui ont aussi beaucoup d’esclaves sous eux, et ceux-ci beaucoup d’autres ; on en hérite et on les fait trafiquer. Dans ces États, les hommes libres, trop foibles contre le gouvernement, cherchent à devenir les esclaves de ceux qui tyrannisent le gouvernement.
C’est là l’origine juste, et conforme à la raison, de ce droit d’esclavage très-doux que l’on trouve dans quelques pays ; et il doit être doux parce qu’il est fondé sur le choix libre qu’un homme, pour son utilité, se fait d’un maître ; ce qui forme une convention réciproque entre les deux parties.